Sommaire

1. Description :

« Ce qui ne nous tue pas nous renforce » Nietzche.

1.1 Définitions :

L’Etat de stress post-traumatique (ESPT) ou Trouble de stress post-traumatique (en anglais Post-Traumatic Stress Disorder -PTSD) ou Névrose post-traumatique se trouve classé dans les troubles anxieux.

Le stress (« contrainte » en anglais), ou syndrome général d’adaptation, est l’ensemble des réponses d’un organisme soumis à des contraintes environnementales. Les auteurs parlent de bon stress ou de mauvais stress. Le bon stress « correspond à une réaction violente de l’organisme face à un danger perçu, imaginé ou rêvé qui déclenche une tempête hormonale ainsi qu’une dépression du système immunitaire. Le corps se prépare à l’agression et dès sa mise en action par l’attaque ou la fuite, les substances produites sont consommées, ce qui correspond à l’expression de l’instinct de survie. »
« Trauma » vient du grec et signifie « blessure avec effraction » .

Selon Laplanche et Pontalis , la notion de traumatisme, d’abord somatique, désigne « les lésions produites accidentellement, d’une manière instantanée, par des agents mécaniques dont l’action vulnérante est supérieure à la résistance des tissus ou organes qu’ils rencontrent ».
Transposée « de façon métaphorique sur le plan psychique, la notion de traumatisme qualifie alors tout évènement faisant brusquement effraction dans l’organisation psychique de l’individu ».

Ainsi « le traumatisme psychique est un évènement de la vie du sujet qui se définit par

  • son intensité,
  • l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement
  • le bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisme psychique ».

Critères diagnostics du DSM IV :

A/ Le sujet a été exposé à un évènement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :

  1. Le sujet a vécu, été témoin ou a été confronté à un évènement ou à des évènements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.
  2. La réaction du sujet à l’évènement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.

B/ L’évènement traumatique est constamment revécu, de l’une ou de plusieurs des façons suivantes :

  1. Souvenirs répétitifs et envahissements de l’évènement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions.
  2. Rêves répétitifs de l’évènement provoquant un sentiment de détresse.
  3. Impression ou agissements soudains « comme si » l’évènement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l’évènement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication).
  4. Sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’évènement traumatique en cause.
  5. Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l’évènement traumatique en cause.

C/ Evitement persistant des stimulis associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d’au moins 3 des manifestations suivantes :

  1. efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associées au traumatisme.
  2. efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme.
  3. incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme.
  4. réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités.
  5. sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres.
  6. restriction des affects (p. ex., incapacité à éprouver des sentiments tendres)
  7. sentiment d’avenir « bouché » (p. ex. pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants ou avoir un cours normal de la vie.)

D/ Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins deux des manifestations suivantes :

  1. difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu
  2. irritabilité ou accès de colère
  3. difficultés de concentration
  4. hyper vigilance
  5. réaction de sursaut exagérée.

E/ La perturbation dure plus d’un mois. (Symptômes des critères B, C, et D)

F/ La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

SPECIFIER SI :

Aigu : si la durée des symptômes est de moins de 3 mois.

Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.

SPECIFIER SI :

Survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress. »

L’approche anglo-saxonne, en mettant l’accent sur la gravité et les circonstances, a des limites et ne cerne pas la réalité intrapsychique subie par la personne .

Evolutions du concept :

Dans « Au-delà du principe de plaisir », Freud dit que « le tableau symptomatique de la névrose traumatique dépasse celui de l’hystérie par les signes très prononcés de souffrance subjective et les marques d’affaiblissement et de perturbation des fonctions psychiques ». Il insiste sur le caractère à la fois somatique et psychique du traumatisme ; il parle d’effroi, qu’il définit comme « un état qui survient quand on tombe dans une situation dangereuse sans y être préparé » .

« A l’afflux d’excitations qui fait irruption et menace l’intégrité, le sujet ne peut répondre ni par une décharge adéquate ni par une élaboration psychique. Débordé dans ses fonctions de liaison, il répètera de façon compulsive, notamment sous forme de rêves, la situation traumatisante afin de tenter de la lier ».

Dans les années 1920-1930, certains psychanalystes étaient confrontés à des patients qui n’étaient pas prêts pour un travail d’introspection, ni accessibles à l’approche verbale qu’ils proposaient. Ils les envoyaient alors chez S. Ferenczi, élève de Freud, qui a écrit et travaillé sur le traumatisme. (Lui-même a perdu son père à l’âge de 15 ans). M. Balint s’est inspiré des travaux de S. Ferenczi.

Pour celui-ci, « face à l’évènement traumatique qui vient donner corps à quelque chose d’irreprésentable, la psyché ne peut assumer sa tâche habituelle qui est d’intégrer les éléments du monde extérieur. »

Ferenczi parle alors d’ « auto-clivage narcissique » : c’est-à-dire que « le patient se dédouble : une partie de la personne continue de vivre et de se développer, tandis qu’une autre enkystée, subsiste en état de stagnation, apparemment inactivée, mais prête à se réactiver à la moindre occasion. Une partie éveillée, une partie morte. »

Mélanie Klein met en évidence l’énorme anxiété que le bébé ressent en entrant dans le monde et conceptualise les mécanismes de défense qu’il met en place (clivage, projection, idéalisation primitive) ; on retrouve ces mécanismes lors d’un trauma.

Carl Gustav Jung précise que « le traumatisme peut s’avérer être transgénérationnel et traverser l’inconscient personnel et familial à travers plusieurs générations. », ce qui sera aussi observé et décrit par A. Ancelin-Schützenberger.

Selon Bergeret, quand l’évènement traumatique survient, « la fêlure ne peut s’opérer que selon les lignes de forces et de ruptures pré-établies dans l’enfance ou dans l’adolescence du sujet ». Dans les Etats limites, Bergeret parle d’un premier désorganisateur précoce (un fait dans l’enfance ressenti comme une très grande frustration ou un risque d’abandon) et un traumatisme désorganisateur tardif qui vient rompre un pseudo-équilibre apparent.

1.2. Expérience vécue lors d’une situation traumatique :

P. Brillon décrit 3 grandes phases de réaction:

A/ La phase de crise : qui a lieu pendant et juste après l’évènement ; c’est un état de choc, de confusion au cours duquel la personne se sent désorientée, a du mal à penser, parfois à parler. La peur est extrêmement présente : peur de mourir, d’être attaquée.
Peter A. Levine (« Réveiller le tigre, guérir le traumatisme »), décrit principalement 4 éléments présents à des degrés différents :

  1. Une hyper-activation : c’est la réponse du système nerveux à la menace, qu’elle soit externe, interne, réelle ou imaginaire. La personne vit excitation, confusion, panique, réactions émotionnelles et corporelles fortes, détresse et anxiété. Cet état de choc physique et psychologique peut provoquer des tremblements physiques, des ennuis intestinaux, des troubles de l’alimentation, du sommeil…etc.
  2. La constriction : modifie l’attitude, la respiration et la tonicité musculaire : les vaisseaux sanguins de la peau, des viscères et des extrémités se contractent afin d’augmenter la masse sanguine disponible pour les muscles, tendus et prêts à l’action. De même, la conscience perceptive de notre environnement se resserre pour diriger toute notre attention sur la menace. On parlera d’hyper-vigilance.
  3. La Dissociation péri-traumatique : La dissociation protège la personne d’une activation qui s’intensifie. Elle produit les distorsions du temps et de la perception qui lui permettent d’endurer ce qui se passe, de le rendre supportable. Elle intervient de manières différentes ; il peut s’agir d’une scission entre le corps et la conscience (la personne a l’impression que c’était irréel, un cauchemar et qu’elle va se « réveiller »), une partie du corps et le reste du corps (ex : une femme dont le bras est resté coincé dans une voiture sous le corps de sa sœur décédée développe du dégoût pour son bras ou l’impression qu’ « il n’est plus à elle »), le moi et les émotions, les pensées et les sensations (« je ne me reconnais plus ») ou le moi et une partie du souvenir de l’évènement (déni).
  4. Le sentiment d’impuissance : qui freine le système nerveux et provoque figement, immobilité. Quand le système nerveux entre dans un état d’activation et que nous ne pouvons ni nous défendre, ni nous enfouir, il passe à l’immobilisation, parfois même un sentiment de paralysie.
    Ces réactions sont, dans un premier temps, normales et dans la plupart des cas, temporaires. Ce sont des tentatives de solution à court terme au problème de cette énergie accumulée et non déchargée. L’hyper-activation, la constriction et la dissociation ne débouchent pas toujours sur des symptômes post-traumatiques ; la caractéristique centrale d’une situation traumatique c’est ce vécu subjectif de détresse et d’impuissance totale.
    La phase de crise est un moment où la victime est particulièrement sensible aux réactions de son entourage.

B/ La phase post-traumatique : la phase d’assimilation ; tout le système psychologique tente de digérer ce qui s’est passé. C’est là qu’apparaissent les symptômes décrits au point 4. Selon P. Brillon , la durée et l’intensité des symptômes sont des indices qui permettent de juger si un traitement spécifique doit être envisagé. Habituellement, cette phase se développe tout de suite après la phase de crise mais il arrive aussi qu’elle soit différée et n’apparaisse parfois que plusieurs mois, voire plusieurs années après le trauma. On dit que les symptômes sont alors « en état de dormance ».

C/ La phase de résolution : deux possibilités :

  • soit la personne a intégré l’évènement et résolu ses symptômes ; elle retrouve du goût pour des projets, des activités, des relations personnelles ; elle peut repenser à l’évènement sans être trop envahie par ses émotions et elle y pensera moins. Les victimes disent même parfois que cet évènement les a fait grandir, même si bien sûr, elles se seraient bien passées de les vivre !
  • soit les symptômes restent chroniques et cristallisés. Les victimes deviennent dépendantes des autres, ont une perte effroyable de l’estime qu’elles ont d’elles-mêmes, et ont perdu confiance en la vie et dans le monde. Leurs réactions affectent de manière permanente plusieurs aspects de leur vie et des dépendances à l’alcool, aux jeux (attrait du monde virtuel), aux drogues ou aux médicaments sont à craindre. Les conséquences peuvent être graves sur les couples et les familles.

En fonction de l’histoire de vie de chacun, il est plus ou moins long à chacun d’atteindre positivement la phase de résolution ; mais il est important de ne pas se décourager !

1.3. Types de traumas :

  • Non intentionnels : catastrophes naturelles, catastrophes techniques (réacteurs nucléaires, produits toxiques, accidents de chemin de fer, …), traumas liés au travail (police, pompier, militaire ou travaux manuels), accidents de voiture,…
  • Intentionnels : maltraitances physiques et sexuelles dans l’enfance, victimes d’actes criminels, viols, traumas de guerre, violence relationnelle, torture, génocides,…

P. Brillon nous dit que « être témoin de ces évènements traumatiques peut aussi causer certains symptômes post-traumatiques. (…) ces symptômes seront souvent d’intensité et de fréquence plus légères que lorsque l’on est directement impliqué dans l’évènement ».

F. Shapiro décrit

* des Traumas de type 1 : qui ont une histoire traumatique brève, sont caractérisés par un danger de mort imminente et qui apparaissent de manière soudaine et inattendue (ex : braquage, tremblement de terre, accidents…) et

* des Traumas de type 2 : plus longs et répétitifs (maltraitance, prises d’otages, tortures, survivance des camps d’extermination, de génocides…).

Les conséquences sont plus néfastes pour les traumas de type 2 : il peut y avoir débordements émotionnels, comportements autodestructeurs et impulsifs, dissociation non-psychotique (qui permet à la personne de se concentrer sur des objets neutres pour moins souffrir), troubles des conduites sexuelles, alimentaires, retraits schizo-affectifs, …

On parle aussi

  • de traumatismes fœtaux (intra-utérins) ou de naissance
  • de problèmes médicaux tels qu’anesthésie, immobilisation prolongée, réactions médicamenteuses, opérations chirurgicales, traitements dentaires ou médicaux,…
  • de « KZ syndrome » (syndrome résiduel des camps : asthénie, repli, isolement, silence, réminiscence de scènes violentes, intolérance aux bruits,…),
  • de syndrome transgénérationnel (les descendants manifestent des mécanismes phobiques),
  • de complexe du survivant (honte et culpabilité intenses) (cf. B. Cyrulnik),
  • de syndrome de Stockholm (réaction paradoxale des victimes qui développent un sentiment de confiance à l’égard de leur ravisseur)

2. Prévalence :

Le taux de prévalence diffère d’une étude à l’autre de 1 à 10 % sur l’ensemble de la vie en fonction du type d’exposition, d’échantillon et de procédure.
Les hommes sont plus exposés à des évènements traumatiques que les femmes ; pourtant celles-ci manifestent davantage de PTSD. Les hommes parlent plus d’évènements comme des agressions physiques, des combats militaires ou être spectateur de préjudices graves alors que les viols et les abus ou négligences dans l’enfance sont plus spécifiques aux femmes.

Pour les deux sexes, le viol est l’évènement le plus traumatisant.

20 % des gens qui ne reçoivent pas de soins après un évènement traumatisant évolueraient vers un PTSD contre 5 % si un traitement est reçu. L’affection devient chronique chez un tiers des sujets.

Facteurs de risque pour un PTSD :

  • L’âge au moment de la traumatisation (la classe à risque concerne les 16-20 ans) et la répétition d’évènements traumatiques,
  • Les expériences antérieures difficiles : si l’évènement ressemble à un évènement douloureux vécu dans le passé, il y a plus de risques que la personne développe un PTSD (ex : un homme subissant une agression physique à l’âge adulte alors qu’enfant, il a été battu par son père)
  • Des troubles psychiatriques antérieurs ou certains types de personnalité (« être chêne plutôt que roseau »)
  • Un milieu social défavorisé : des relations familiales, professionnelles ou conjugales insatisfaisantes
  • Une intelligence faible
  • Le fait que l’évènement traumatique soit causé par un autre être humain (attentat, viol, …) parce que la personne se dit alors que ça aurait pu être évité.
  • Des jugements, des blâmes ou des critiques de l’entourage ou de la société ou au contraire une totale indifférence.
  • Le fait d’être engagé dans des poursuites judiciaires liées à l’évènement
  • Être en deuil de quelqu’un après l’évènement traumatique.

Facteurs réducteurs de risque :

  • Facteurs de base : saine conscience de soi, être dans le circuit du travail, avoir un soutien familial et social important, être habitué à exprimer spontanément ses émotions,…
  • Facteurs liés au trauma : pas de trauma antérieur, pas de blessure physique, pas de lésions corporelles persistantes, auteur et victime ne se connaissent pas, courte exposition au trauma (moins d’une demi-heure), pas de conscience lors du trauma, pas de stress supplémentaire après le trauma (police, médias, …), expression des sentiments rapidement après le trauma.

3. Pathogénie : le point de vue des neurosciences

Les neurosciences ont mis en évidence une diminution du volume de l’hippocampe et une hyperactivité de l’amygdale et du para-limbique antérieur : facteur de risque ou conséquence du PTSD ? Lors d’un trauma, les informations sensorielles sont transmises au thalamus, aux aires primaires visuelles, auditives, kinesthésiques, à au complexe amygdalien, puis à l’hippocampe.

Lors d’un trauma, des neurones pré-synaptiques envoient du glutamate (un acide aminé qui prend part à la synthèse des protéines ; le glutamate est le principal NT excitatoire et d’apparition rapide dans les zones du cerveau responsable de la cognition et de la mémoire à long terme) à des neurones post-synaptiques, activant des récepteurs que l’on appelle NMDA ; cela active des protéines kinases qui libèrent du monoxyde d’azote et augmentent le nombre de récepteurs NMDA sur ces neurones post-synaptiques. Cela augmente l’intensité de la réaction et cela devient le chemin privilégié (réseau) de l’information chaque fois que la personne est face à un « déclencheur » (un élément ou un contexte similaire au moment du trauma) ; ce réseau est appelé la mémoire inconsciente traumatique et se trouve dans le complexe amygdalien. « Toute information relative au contexte peut donc réactiver l’ensemble de la mémoire inconsciente et déclencher la même symptomatologie psychique et neurovégétative. L’hippocampe représente le deuxième centre de mémoire traumatique mais auquel la victime peut accéder par la verbalisation. »

4. Symptomatologie :

Les symptômes spécifiques au PTSD débutent classiquement dans les 3 mois qui suivent l’évènement traumatique, mais parfois, ils n’apparaissent que des années plus tard. La plupart guérissent dans les 6 mois spontanément. Si ce n’est pas le cas, on doit suspecter une fragilité antérieure de la personne.

4.1. Les Reviviscences :

images intrusives, cauchemars, flash-back, réactions physiologiques et détresse psychologique lors de l’exposition à des déclencheurs ; rêves itératifs (la personne a l’impression de revivre constamment le trauma)

4.2. Les symptômes d’éveil :

difficultés de sommeil, irritabilité, trouble de la concentration, hyper vigilance.

4.3. Les symptômes d’évitement et d’émoussement

(impression d’être gelé émotionnellement, détaché face aux autres): la personne cherche à éviter les pensées, les sentiments, les activités, les conversations, les lieux, les objets, plus ou moins en lien avec le trauma ; elle souffre d’amnésie, d’alexithymie (anesthésie des émotions), d’un sentiment d’étrangeté vis-à-vis des autres, d’une incapacité à penser et à se projeter dans l’avenir.
En même temps, elle oublie des pans du trauma et manifeste un engourdissement émotionnel qui fait que le médecin ou le thérapeute ne se rend pas toujours compte qu’il est face à un PTSD.

4.4. Les symptômes d’activation neurovégétative élevée

(comme dans l’attaque de panique) :

  • manifestations psychiques : peur, panique, crainte de devenir fou, de mourir, de réaliser un acte incontrôlé, sensation d’une catastrophe imminente.
  • manifestations psychosensorielles : sentiment de dépersonnalisation ou de déréalisation, impression de modification de l’intensité lumineuse ou auditive, paresthésies, impression d’évanouissement, sensation d’instabilité,
  • manifestations somatiques : cardio-vasculaires (tachycardie, palpitations, …), respiratoires (dyspnées, sensations d’étouffement, oppression thoracique,…), digestives (nausées, vomissements, …), sueurs, pâleurs, tremblements, brouillard visuel,…)

5. Co-morbidité : fréquente (2/3 des cas)

  • Troubles de l’anxiété : troubles paniques, phobie sociale, peur de devenir fou, de mourir,….
  • Troubles dépressifs : idées suicidaires, troubles de l’humeur,…
  • Troubles somatoformes : somatisation, conversion, trouble douloureux, hypochondrie, peur d’une dysmorphie corporelle, syndrome dysmorphique.
  • Troubles dissociatifs : dissociation non psychotique et/ou brefs troubles psychotiques.
  • Troubles du comportement :
    • une plus grande sensibilité aux stimuli extérieurs, de l’agitation, de l’hyperactivité, de la violence, des phénomènes d’addictions (drogues, alcool jeux, …),…
    • des phénomènes de régression : besoin de maternage (cf. Traitement point 7)

6. Les Modes d’expression :

Les personnes ne viennent pas toujours parler d’abord de leur trauma ; elles arrivent parfois avec les effets co-morbides décrits plus hauts. D’autres en parlent tout de suite mais ne reviennent plus tant cela réactive l’aspect effractant de l’expérience traumatique et des sentiments en lien avec de la honte ou de la culpabilité. L’expression peut prendre des formes différentes :

  • Soit un haut débit verbal : cris, pleurs, réactions aigües, hyperactivité (entretiens longs et forts en émotions. La personne a besoin de se décharger, elle a le sentiment d’étouffer, d’être écrasée.
  • Soit la personne est dans le blocage : elle se replie sur elle, a du mal à se concentrer, à bouger, à parler. On parle de sidération. Les yeux sont hagards. La personne se sent dépassée, impuissante.
  • Soit elle manifeste un total détachement : la personne parle de l’évènement comme s’il s’agissait d’une autre personne ; on observe « distanciation, rationalisation de l’évènement traumatique, froideur, pas de place pour l’émotion ou refuge dans l’imaginaire.

7. Prise en charge des traumatismes psychiques :

7.1. Considérations générales

« Aimer vos patients » : le trauma est souvent vécu comme une mise à l’écart, voire une exclusion de l’humanité. Il s’agit pour la personne de se réconcilier avec la partie profondément vulnérable, fragile, et parfois sombre de l’être humain.

« Le traumatisme psychique représente quelque chose d’ineffable, d’indicible. Le patient (…) n’a pas de mots pour le dire. La prise en charge de ces personnes ne pourra se faire au niveau verbal ou intellectuel. »

S. Ferenczi (1920-1930) disait déjà que « la remémoration ne suffit pas, l’expérience doit être revécue dans le cadre transférentiel, afin de permettre son élaboration. » Ce qui demande de l’analyste une participation émotionnelle, des qualités de tact, d’indulgence, de la prévenance et de la souplesse. Un autre point fort de la théorie du traumatisme de S. Ferenczi, c’est d’avoir montré que le désaveu rend le traumatisme encore plus pathogène.

Respecter le rythme du client est ici impératif pour ne pas risquer de « re-traumatiser » le patient ; « c’est le patient qui décide du moment opportun et brusquer les choses peut être effractant pour lui et amène à la rupture de la relation thérapeutique ».

7.2. Recommandations de départ et éléments de pharmacothérapie

(cf. Manuel, je ne reprends ici que les points principaux utiles au psychothérapeute non médecin):

 

  • informer le patient de la normalité de ses réactions et l’encourager à parler de ce qui lui est arrivé ;
  • pendant les deux premières semaines, voir le patient une à deux fois et évaluer si un traitement spécialisé est nécessaire ;
  • s’il y a insomnie de plus de 4 jours, adresser le patient au médecin pour qu’il juge de l’opportunité d’un traitement médicamenteux.
  • au bout de 3 semaines, si ça ne va pas mieux, demander un avis spécialisé (psychiatre).
  • le médecin préfèrera prescrire un antidépresseur (inhibiteur de la recapture de la sérotonine) plutôt qu’un anxiolytique aux risques de dépendances plus importants ; « dans les cas d’agitations maniaques ou d’états schizophréniques et paranoïaques chez des sujets prédisposés, des neuroleptiques seront prescrits ».
  • le traitement est poursuivi pendant 12 mois au moins.

7.3. Les traitements seront différents en fonction des différentes phases (cf. point 1.2.) du trauma.

7.3.1. Interventions lors de la phase de crise :

Une prise en charge multidisciplinaire en coordination avec les différents secteurs (médicaux, juridiques, les services d’aide matérielle, alimentaire, financière, les services sociaux,…) ainsi que le réseau familial, amical, professionnel ou de quartier est nécessaire et permettra de diminuer les risques d’installation d’une pathologie. Si le support social est déficient ou si les ressources manquent après un évènement traumatique (soins, eau, lieu sécure, …), ce deuxième élément stresseur risque d’aggraver le pronostic. L’installation de tentes sur les sites de catastrophe, ou le fait de faire monter les victimes dans la camionnette de police pour rédiger les papiers, ou …. a comme fonction de parer temporairement à l’ « effraction de l’enveloppe protectrice visible » (l’appartement, le bureau, la voiture,…) et de fournir les besoins de base tels que sécurité, nourriture, information, orientation, accès aux familles,…etc.

Le débriefing psychologique : au départ, le terme « debriefing » se rapportait au compte-rendu et à l’analyse au retour de mission des soldats américains pendant la seconde guerre mondiale ; plus tard, des psychiatres et des psychologues militaires ont découvert que ce partage d’expériences avait un effet psychologique positif sur ces soldats et ont étendu son utilisation aux civils, victimes de catastrophes, et aux équipes d’intervention ; le but est de permettre aux personnes de parler de leur vécu émotionnel et de leurs pensées à propos de l’évènement pour éviter l’installation d’un PTSD.
Aujourd’hui, l’utilisation systématique du débriefing psychologique est contestée par de récentes études :

  • Son utilité auprès du personnel des services d’urgence, de secours et des équipes soignantes reste prouvée ;
  • Par contre, elle manquerait d’efficacité ou serait carrément délétère dans certains cas en raison de plusieurs facteurs :
    • Le débriefing interfèrerait avec les processus psychiques naturels du sujet ; la réexposition trop rapide au trauma pourrait augmenter l’anxiété, sans permettre un temps d’habituation suffisant, et constituer un 2ième trauma ; « le déni, l’amnésie, l’hébétude à court-terme seraient des réactions normales et adaptatives permettant une période de répit. »
    • La stimulation de l’expression émotionnelle serait trop envahissante : les victimes auraient besoin d’une période où l’on ne parle pas du trauma.
    • La psychoéducation amènerait à la conscience des personnes des éléments qui, sinon, n’auraient pas été perçus.
    • Il pourrait y avoir un court-circuitage des supports sociaux naturels comme les familles, les amis, …etc.

C. Debabèche et coll. cite une étude récente faite chez des rats, qui montrerait qu’une intervention précoce (dans les 24 h) pourrait être efficace après un trauma moyen et qu’une intervention différée (plusieurs jours, voire plusieurs semaines) serait plus adaptée pour un trauma sévère.
Selon ces mêmes auteurs, les Cellules et Services d’aide, mis à la disposition des victimes qui le souhaitent, et proposant des séances de TCC ou de psychothérapie brève (5 à 10 séances), ont montré un meilleur résultat que le débriefing.

D’autres auteurs, P. Philippot et C. Baeyens constatent que la ventilation des émotions et la précocité d’une intervention pourrait avoir un effet négatif sur l’évolution des conséquences psychologiques d’un traumatisme, alors que la psycho-éducation et le soutien social auraient des effets positifs.

7.3.2. Interventions lors de la phase post-traumatique :

Ici, différentes approches sont complémentaires:

  • La psychothérapie individuelle : « les approches humanistes avec expression et gestion des émotions associées aux approches cognitivo-comportementalistes donnent des résultats supérieurs aux autres ».

Parmi les approches humanistes :

  • La Gestalt-thérapie est particulièrement bien indiquées dans l’accompagnement des personnes souffrant de PTSD grâce à certaines de ses spécificités dont celles :

a) d’accorder de l’importance à l’ « ici et maintenant »,
b) d’être attentive aux différentes étapes du cycle du contact et de favoriser le contact direct
c) de donner de la place au corps
d) de valoriser les sentiments,
e) d’avoir une approche globale et un engagement responsable du thérapeute envers son client.

  • De même, les Orientations récentes de l’Analyse Transactionnelle dont :

a) L’approche co-constructive de Summers et Tudor : version de la théorie et de la pratique transactionnelle axée sur la notion de co-créativité et intégrant la notion de « champs » ; l’A.T. co-créative met en avant l’interdépendance, la coopération et la réciprocité. Elle se fonde sur les principes du « nous », de la « responsabilité partagée » et du « développement centré sur le présent ». La thérapie vise la co-création d’expériences progressives plutôt que régressives, « rechercher le possible au-delà du probable »…

b) L’approche relationnelle de Hargaden et Sills : centrée, comme son nom l’indique sur la relation entre le thérapeute et le client, cette approche insiste sur l’engagement du thérapeute, son empathie et l’analyse du transfert et du contre-transfert.

c) L’approche de W. Cornell qui intègre l’A.T., l’Analyse Corporelle de W. Reich et la psychanalyse. W. Cornell définit son approche comme un processus thérapeutique qui sert de trait d’union entre le somatique et le relationnel, l’action et la parole,… Le thérapeute cherche à « faciliter l’aboutissement du geste interrompu », et à « créer un espace où le client peut faire et être » ; il propose des interventions douces (par opposition aux techniques émotionnelles dures) surtout avec des personnes traumatisées ; W. Cornell et K. Olio remarquent en effet que des personnes traumatisées ont tendance à se sur-adapter et donc à accepter des propositions qui ne leur conviennent pas en réalité.

Parmi les TCC (thérapies cognitivo-comportementales), on retiendra en fonction des étapes du traitement (cf. ci-après) la re-structuration cognitive, les techniques comportementales de gestion de l’anxiété et du stress (dans le but d’augmenter le sentiment de contrôle), les techniques de relaxation, de sophrologie, de massage sensitif, de training auto-gêne de Schultz et l’approche spécifique de l’’E.M.D.R. (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, Techniques de désensibilisation par mouvements oculaires et reprogrammation).

  • La Participation à des groupes de paroles, de soutien, d’entraide,… : ex : ASBL « Vivre son deuil », Groupes d’entraide des rescapés de génocides,…,
  • L’approche systémique :

Le trauma est une blessure individuelle ou familiale mais dans tous les cas, il affecte les liens : il peut créer des tensions dans les relations conjugales, parentales, filiales et nécessiter une prise en charge systémique.

7.4. Etapes du traitement :

« Reviendrais-je à moi-même un jour ? »

Selon P. Janet (1880) , l’un des premiers psychologues spécialisé dans le traitement des PTSD, le problème central de ces patients est l’incapacité à intégrer des souvenirs traumatiques dans la totalité de leur personnalité ; pour cela, le traitement se fait en 3 phases :

7.4.1. Phase de stabilisation :

7.4.1.1. Création d’une alliance thérapeutique ainsi que d’un « lieu et d’un sentiment » de sécurité :

Pour stabiliser les symptômes, P. Janet « conseillait aux thérapeutes deux attitudes apparemment contradictoires : d’une part, le malade doit accepter son autorité et ses conseils et d’autre part, le thérapeute doit minimiser sa domination du malade.»

Le thérapeute appelé à intervenir s’ajustera de manière créative au vécu de son patient et aux circonstances particulières (parfois, il est nécessaire d’aller chez le patient au début, de le voir avec un membre de sa famille, de laisser une porte ouverte, …) ; le thérapeute passe de la neutralité bienveillante à l’implication contrôlée. Balint nous rappelle que « c’est le thérapeute qui doit s’adapter au patient et pas l’inverse».

En étant dans l’écoute et l’acceptation inconditionnelle, en se comportant comme « une mère suffisamment bonne » au sens de Winnicott (cf. le cas Nora, revue Balint 100), le psychothérapeute aidera le client à créer à nouveau un pont entre lui et le monde extérieur, et à développer ou redévelopper un sentiment de sécurité interne; parfois, cela peut prendre plusieurs années.

Le thérapeute se montre particulièrement « vivant » : il bouge, parle clairement, il se lève, … avec l’accord de sa ou son patient, il prend contact avec son corps et se montre bien « incarné » ; il veille particulièrement au moment de début et de fin de séance, au « bonjour » et au « au revoir ».

Il évalue avec le patient les éléments physiques, sociaux, psychologiques et thérapeutiques qui faciliteront chez celui-ci le recouvrement d’un sentiment intérieur de sécurité.

7.4.1.2. Restructuration Cognitive :

Quand un lien suffisamment sécure s’est créé, le thérapeute propose au patient de passer à un niveau cognitif ; il donne des informations sur ce qu’est un trauma et la normalité des réactions que le patient a vécu ou vit encore. Les symptômes sont en effet des réactions normales à des situations anormales !

« Réassurance, support, compréhension, reformulation, empathie restent les atouts majeurs de l’approche psychothérapeutique » (Revue Balint 100, « Le cas Nora »)

Il l’informe sur la réalité d’aujourd’hui : parle de ce qui se passe aujourd’hui, d’informations journalistiques, de démarches éventuellement faites,…

Il aide son patient à ré-identifier les détails du trauma ; il revisite en détails les sensations, les pensées, les émotions, les gestes posés, les réactions des autres vécus lors du trauma.

C’est ici que les approches TCC aident telles que la méthode de résolution de problème en 4 étapes :

  1. identification des problèmes (quel est le problème ? est-ce que cela concerne le vécu actuel- en quoi le trauma pose-t-il un problème dans la vie du patient-, un symptôme éprouvé, une pensée négative sur soi ou une certaine vision du monde)
  2. recherche d’options alternatives (ex : qu’est-ce que je peux me dire d’autres ?),
  3. évaluations de ces alternatives (ex : quels sont les « pour » et les « contre » de cette manière de penser, y a-t-il une autre manière d’interpréter les faits, si oui, quelles en seraient les conséquences)
  4. choix de l’une de ces alternatives.

D’autres outils issus de la P.N.L. sont ici très utiles (ex : le recadrage, la transformation des images, les changements de sous-modalités,…)

7.4.1.3. Accueil et traitement des émotions :

Après un trauma, les émotions sont soit exacerbées, soit gelées. Les personnes traumatisées ont besoin d’entendre que les émotions peuvent être très désagréables mais qu’elles ne sont pas dangereuses. Certains ont profondément besoin de la fonction pare-excitante du psychothérapeute et de sa capacité « contenante ». La personne réapprendra à :

* écouter ses sensations physiques, les accepter, les nommer et les comprendre (j’ai une boule dans la gorge, j’ai la mâchoire crispée, je serre les poings,…), sans se juger.

* préciser le malaise et identifier l’émotion sous-jacente (j’ai une boule dans la gorge parce que je suis triste, j’ai la mâchoire serrée parce que je suis très en colère)

* se donner le droit de ressentir ses émotions (j’ai le droit d’être en colère)

* différencier ressentir, montrer, dire et agir et apprendre à exprimer ses émotions dans le respect de soi et des autres.

7.4.1.4. Développer des techniques de relaxation, de détente

  • les techniques comportementales de gestion de l’anxiété et du stress dans le but d’augmenter le sentiment de contrôle
  • les techniques de relaxation, de sophrologie, de massage sensitif, de training auto-gêne de Schultz.

7.4.2. Phase d’exposition : se ré apprivoiser aux situations associées au traumatisme.

« Un passé qui est pris en compte, n’a plus besoin de se maintenir au présent. C’est alors que la guérison devient possible »

  • les thérapies d’exposition : (ex : quand il y a eu morsure de chien) : « le patient revit l’expérience effrayante, la fuite ou l’évitement étant empêché, mais dans un environnement compréhensif et supportif. L’exposition en imagination, l’exposition in vivo et la désensibilisation systématique sont à la disposition du patient. »
  • l’E.M.D.R. (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) développé par F. Shapiro permet de travailler sur les images passées, les déclencheurs actuels, les éléments qui restent aujourd’hui traumatisants pour le patient, et aussi de faire un pont vers le futur.
    C’est un modèle de traitement adaptatif de l’information : l’idée est qu’une information sensorielle (images, sons, odeurs, touchers, goûts) associée à des pensées (présentes au moment de l’évènement traumatique), des émotions et des croyances (c’est-à-dire des interprétations des perceptions lors de l’évènement) est stockée et reste bloquée (figée) de manière dysfonctionnelle, de façon isolée par rapport à nos manières habituelles de nous adapter. La stimulation bilatérale des deux hémisphères cérébraux permet le retraitement de l’information, la modification et l’évolution des manifestations mnésiques vers une solution adaptée.
    Une hypothèse non encore prouvée scientifiquement évoque l’idée que « une séance avec l’EMDR conduirait à une production d’acétylcholine plus élevée et stimulerait ainsi le flux d’information allant du cortex vers l’hippocampe. Grâce à la stimulation, on obtiendrait un effet de décodage des souvenirs semblable à celui qui se déroule durant le sommeil paradoxal. »

7.4.3. Phase d’intégration et de deuil ; grandir, trouver un sens aux souffrances traversées.

« Le cal est plus solide que l’os » M. Maystadt.

Le travail thérapeutique permettra la traversée d’un ou de plusieurs deuils et l’intégration « ici et maintenant » de plusieurs aspects de la vie du patient : B. Curulnick parle de résilience (« l’art de naviguer dans les torrents »), V. Frankl parle de « logo thérapie », M. Gray écrit et crée la fondation D. Gray,…

Spontanément, un enfant croit que le monde est bon, prévisible, sûr ; il a confiance en soi et dans le monde. Le trauma vient bousculer ses croyances. La personne aura un chemin à traverser pour retrouver confiance en elle et « dans le monde », tout en acceptant la vulnérabilité, l’incertitude, la finalité de tout être humain. Parfois, il s’agira d’apprendre à vivre avec une lésion corporelle, un handicap, s’ouvrir à une autre spiritualité, et enfin se tourner vers de nouvelles expériences de vie.

8. Spécificité du transfert et du contre-transfert : Risque de trauma des soignants ou trauma par procuration :

« Les traumatismes (…) sont parfois tels qu’ils ne peuvent être conscientisés, assimilés, dits, verbalisés par le patient. Par un mécanisme de projection, le soignant accepte de porter la charge émotionnelle, affective, inconsciente que le patient, dans sa souffrance attribue à son thérapeute. »

« Les effets potentiels de travailler avec des survivants de traumatismes sont à distinguer de ceux observés avec d’autres catégories de patients difficiles » . Le thérapeute est confronté à un risque de fatigue de compassion, d’épuisement professionnel, de dépression, de syndrome de burn-out ou, de traumatisme par procuration (TP). Son propre vécu émotionnel lui permet à la fois de manière contre-transférentielle d’accompagner le patient et peut, d’autre part, représenter chez le thérapeute un risque d’aggravation de son propre PTSD. Ces « TP » « provoquent chez le thérapeute des ruptures profondes dans sa cuirasse de thérapeute, notamment au niveau de son sens de l’identité, de sa conception du monde et de sa spiritualité. M. Delbrouck parle d’ « effets psychologiques profonds qui peuvent être effractants et douloureux pour le soignant et persister pendant des mois ou des années après le travail avec ces personnes traumatisées. »

Des facteurs liés aux traumas peuvent perturber gravement l’équilibre psychologique des soignants de 4 manières différentes :

  • Le contenu des affects amené par des patients PTSD peut venir intruser l’espace psychique des soignants.
  • Le danger de toute-puissance guette le soignant.
  • « Des mouvements d’identification aux situations et aux contenus vécus par les patients sont tels qu’ils provoquent chez les soignants des ruminations, des reviviscences, des rêves de scènes vécues par les patients, une hyper vigilance et une hyperactivité, un état de stress chronique qui fait évoluer ces soignants vers un état de stress post-traumatique ».
  • Un vécu de non-reconnaissance.

Les études scientifiques récentes ont montré que ce PTSD des soignants pouvait entraîner chez eux des perturbations à 4 niveaux différents : schémas cognitifs, besoins physiologiques, systèmes de mémoire et armatures de références.

En prévention des problèmes liés au fait de traiter des patients souffrant de PTSD, les recommandations portent sur la sélection des thérapeutes du point de vue de leur personnalité et de leur formation, le marquage clair des limites et des frontières une prévention par debriefing régulier et un travail d’équipe et de supervision entre pairs.

Les besoins du thérapeute représentent un point essentiel en matière de gestion du contre-transfert. Une attention particulière à la psychothérapie personnelle et à la formation pratique et théorique est indispensable.

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Formation à la thérapie E.M.D.R., niveau 1 et 2, accréditée par F. Shapiro, Ludwig Cornil, B.I.P.E., Kortenberg, 2009-2010.

Formation « Trauma et systémique », B.I.P.E., M. Silvestre, Kortenberg, 2009.

V. Frankl : Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Editions de l’Homme, 1988.

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Laplanche J. et Pontalis J-B, Vacabulaire de la psychanalyse, PUF, 1967, 1992.

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Sophie Debauche

Psychologue Clinicienne, Psychothérapeute, Formatrice et Superviseur - Responsable du Centre Thérapeutique de Luttre - Téléphone: 0476.50.19.66